1. Cour de justice de l’Union européenne. COMMUNIQUE DE PRESSE n° 141/20:
Dans la vive bataille juridique qui se joue depuis des années autour du « CBD » (cannabidiol), une molécule présente dans le chanvre, l’arrêt que vient de prendre la justice européenne devrait faire date. « Une décision historique », « un changement de paradigme », « une portée phénoménale »… ont réagi les juristes et les défenseurs de cette substance consommée pour son effet relaxant, mais dont la légalité fait régulièrement l’objet de polémiques en France, avec un cadre de commercialisation aux contours flous.
Dans son arrêt rendu public jeudi 19 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge illégale l’interdiction de la commercialisation du CBD en France. « Un Etat membre ne peut interdire la commercialisation du cannabidiol légalement produit dans un autre Etat membre », écrit-elle dans un communiqué. Et ce, quand bien même ce CBD « est extrait de la plante de Cannabis sativa [chanvre] dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines ».
Pas d’effets psychotropes
La nuance a son importance, puisqu’elle écarte de facto la réglementation appliquée par l’Etat français : d’après une circulaire prise en 2018, seules les fibres et les graines de la plante de chanvre peuvent faire l’objet d’une utilisation – l’essentiel du CBD se trouve ailleurs, dans la fleur de la plante.
Le CBD fait partie des centaines de cannabinoïdes présents dans le cannabis, mais à l’inverse du principe actif le plus connu de la plante, le « THC » aux effets euphorisants, il n’a pas d’effets psychotropes.
2.L’ONU reconnaît officiellement l’utilité médicale du cannabis
La Commission des stupéfiants des Nations unies (CND), l’organe qui décide quelles substances sont considérées comme des drogues au vu du droit international, a approuvé, mercredi 2 décembre, la « reclassification » du cannabis et de sa résine dans les conventions internationales, reconnaissant de fait son utilité médicale.
Jusqu’ici, le cannabis et sa résine étaient considérés selon leur classement dans l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la catégorie la plus restrictive, où sont répertoriées les substances qui favorisent fortement l’abus et ont un très faible, voire aucun, intérêt médical. Ce n’est plus le cas après le vote très serré (27 pour, 25 contre, 1 abstention) lors de la 63e session de la CND, qui a suivi les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Cette dernière a demandé en 2019, études scientifiques à l’appui, d’enlever ces substances de l’annexe IV, car elles présentent « un potentiel thérapeutique ». Désormais, le cannabis pourra être utilisé dans la fabrication de médicaments, au même titre que l’opium ou la morphine, sans que son utilisation soit découragée par l’ONU, comme c’était le cas jusqu’alors.
Déclassification symbolique
Les instances internationales sur le contrôle des drogues sont des organes habitués à l’inertie, et il est rare qu’un vote fasse bouger aussi distinctement les lignes. « C’est la première fois depuis 1916 que l’on reconnaît, au niveau international, l’intérêt thérapeutique du cannabis. Depuis plus d’un siècle, les conventions internationales sur les drogues maintenaient que ce produit était dangereux et sans intérêt médical. En 2020, l’ONU reconnaît le contraire », explique Yann Bisiou, maître de conférences à l’université Montpellier-III et spécialiste du droit de la drogue. Mais tout historique qu’elle soit, cette « déclassification » comporte une grande part de symbolique.
3.Cannabidiol (CBD) le point sur la législation par la MILDECA
Dans cet arrêt, la CJUE considère qu’en l’état des connaissances scientifiques et sur la base des conventions internationales en vigueur, l’huile de CBD ne constitue pas un produit stupéfiant. Elle en déduit que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises sont applicables à ce produit et qu’une mesure nationale qui interdit la commercialisation du CBD issue de la plante entière constitue une entrave à la libre circulation.
Elle précise cependant qu’une telle mesure peut être justifiée par un objectif de protection de la santé publique sous réserve qu’elle soit nécessaire et proportionnée.
Elle rappelle ensuite qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière des données scientifiques disponibles, si des effets nocifs pour la santé humaine pourraient être liés à l’utilisation du CBD, justifiant l’application d’un principe de précaution et si les mesures prises sont propres à garantir l’objectif de protection de la santé publique.
En l’espèce, et afin de guider la juridiction dans son appréciation, la CJUE souligne que la réglementation française ne lui parait pas remplir cette condition dans la mesure où l’interdiction de commercialisation ne frappe pas le CBD de synthèse qui aurait les mêmes propriétés que le CBD naturel.
Les autorités françaises prennent acte de cet arrêt. Elles tiennent à souligner que, dans cet arrêt, la CJUE reconnait que l’application du principe de précaution pourrait, sous réserve d’éléments scientifiques probants, justifier une réglementation restreignant la commercialisation des produits à base de CBD. Elles étudient les voies et moyens pour prendre en compte ses conclusions.
Les autorités réitèrent d’ores et déjà leurs avertissements concernant les effets potentiellement nocifs de la molécule de CBD, encore peu connue. Elles signalent en outre les risques sanitaires liés au Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC), molécule classée comme stupéfiant, que sont susceptibles de contenir les produits issus du chanvre. Elles appellent à la plus grande vigilance concernant les modes de consommation de ces produits, notamment la voie fumée, dont la toxicité est avérée.
Par ailleurs, il est rappelé que les produits contenant du CBD demeurent soumis au respect des dispositions législatives françaises, et plus particulièrement des suivantes :
Ils ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou la Commission européenne sur la base d’un dossier évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité.
Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion entre le cannabis et le CBD et faire ainsi la promotion du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.
Enfin, les autorités françaises estiment que l’élaboration d’une approche commune européenne des produits à base de CBD serait souhaitable. Elles poursuivent à cet égard leurs échanges avec les autres Etats membres et la Commission européenne..
Source: le Monde / site officiel du gouvernement.